Nous sommes mardi 17 janvier 1961 à Elisabethville, Lubumbashi à ce jour, lorsque le premier Premier ministre de la République démocratique du Congo, Patrice Emery Lumumba est assassiné avec deux de ses collaborateurs, Mpolo et Okito. L’assassinat de Lumumba était la conséquence du fait qu’il s’était attiré beaucoup d’ennemis avec le temps. En effet, par sa lutte incessante contre le colonialisme, par ses revendications pour la liberté et l’indépendance, Lumumba était devenu une cible pour certaines gens, notamment les Occidentaux.

Il débute sa lutte en tant que journaliste critique de la situation au Congo et activiste pour l’indépendance du pays. Ses convictions nationalistes vont alors s’intensifier en 1958, lorsqu’il participe à l’exposition universelle organisée par la Belgique, exposition au cours de laquelle l’image du Congo est avilie. Ainsi à son retour au pays, Lumumba crée le Mouvement national congolais (MNC) le 05 octobre de la même année.

Le 08 décembre 1958, pour soutenir les mouvements indépendantistes en Afrique, Kwame N’Krumah alors Président du Ghana, organise une rencontre avec certains leaders africains, c’est la conférence panafricaine d’Accra. Le MNC de Lumumba y est invité et c’est ce dernier qui y représente son parti. A son retour au pays, Lumumba réunit ses partisans et leur restitue le déroulement ainsi que les résolutions de la Conférence d’Accra. Lors de cette manifestation, Lumumba revendique l’indépendance du Congo avec ferveur.

Après plusieurs manifestations, émeutes et représailles, la Belgique accepte d’organiser des réunions avec les leaders indépendantistes du 20 janvier au 20 février 1960. Il s’agit des assises de la Table Ronde politique de Bruxelles. Quant à Lumumba, purgeant une peine de prison à Stanley-ville pour troubles à l’ordre public, il ne rejoindra ses collaborateurs qu’en date du 26 janvier 1960. A l’issue de la Table Ronde, la Belgique promet l’indépendance aux Congolais et à cet effet, la date du 30 juin 1960 est retenue.

Conformément aux résolutions de la Table Ronde politique, une Table Ronde économique est organisée à partir du 26 avril 1960. Ces assises avaient pour thématique : l’analyse profonde de la question liée aux dettes des colonisateurs depuis l’Etat Indépendant du Congo (1885-1908). Pour la Belgique, le Congo indépendant devrait hériter non seulement des actifs du Congo-Belge, mais aussi des passifs, c’est à dire des dettes. C’est ainsi qu’au cours de ces assises, cette question devrait définitivement être résolue. Malheureusement, les délégués congolais qui y avaient participé, n’y voyaient que du feu ! Ainsi, toutes les résolutions qui y furent arrêtées, étaient défavorables au futur Congo indépendant.

L’indépendance est proclamée le 30 juin 1960, Joseph Kasavubu est élu Président de la République et Lumumba est élu Premier ministre.

Lors de la cérémonie de l’Indépendance organisée à Léopoldville, dans son discours de circonstance, le Roi Baudoin Premier affirme que l’indépendance du Congo est l’aboutissement d’un processus amorcé depuis le roi Léopold II. Il renchérit en montrant que la Belgique a depuis toujours été une sorte de messie, venu délivrer les Congolais non seulement du carcan du commerce esclavagiste, mais aussi du manque de civilisation et des équipements nécessaires à l’amorçage du processus de développement. Tout en montrant que la colonisation était non seulement importante pour un équilibre politique et social, mais aussi un moyen de protection économique contre les grandes puissances de l’époque, le roi Baudoin revient sur les dangers qui guetteraient désormais le Congo étant indépendant. Enfin, tout en rassurant de l’assistance de la Belgique en cas de besoin, le Roi finit son discours en mettant en garde les Congolais sur le fait qu’ils ne devraient procéder à des réformes, que s’ils étaient sûrs de pouvoir faire mieux que les Belges.

Après le discours du Roi, le Président Kasavubu prononce le sien et Lumumba, dont l’intervention n’était pas prévue, monte sur l’estrade à la grande surprise du Président et du Roi, et prononce un discours tellement virulent que le Roi et l’ensemble des Belges qui l’écoutaient se mirent vraiment en rogne. Dans son discours, Lumumba rappelle que l’indépendance qu’ils célébraient en ce jour-là, n’était pas un cadeau de la Belgique, mais plutôt le fruit d’une lutte que devaient mener les Congolais chaque matin, midi et soir, juste par le simple fait qu’ils étaient Noirs. Il profite de cette occasion pour sortir ses griffes et présenter en quelque sorte ses aspirations pour le Congo indépendant. Des aspirations qui paraissaient antagonistes aux attentes des Belges.

Par ce discours, tout le bloc occidental en général et la Belgique en particulier, venaient de se rendre compte que Lumumba était un acteur redoutable et qu’il serait une véritable entrave à la satisfaction de leurs besoins économiques. A partir de ce moment, il suscita un grand intérêt et devint alors une cible qu’il fallait atteindre. La réalisation de cette aspiration occidentale sera appuyée par une série d’événements macabres au lendemain de l’indépendance.

En effet, quatre jours après la proclamation de l’indépendance, une mutinerie dans les rangs de l’armée éclate : les soldats congolais réclament les mêmes avantages que leurs officiers blancs, qui vivent dans le luxe pendant qu’eux sont traités comme des esclaves, estiment-ils. Ils séquestrent des officiers blancs, s’en prennent à des civils belges, et en moins de quelques semaines, des milliers des Belges quittent le pays. L’on perd dès lors le contrôle de l’armée, car les cadres belges de l’administration ont pris fuite.

Pendant ce temps, le 11 juillet 1960, le Katanga, véritable coffre-fort minier du pays, entre en sécession et proclame son indépendance. Évidemment, la Belgique soutient le Katanga étant donné ses intérêts pour cette partie du pays. Dans la foulée, la province du Kasaï proclame aussi son indépendance.

Pour rétablir la situation, Kasavubu et Lumumba font appel à l’ONU qui, à la grande déception de Lumumba, se contente de demander aux Belges de retirer leurs troupes. C’est pour cette raison que Lumumba se tourne alors vers Moscou pour demander du soutien. Moscou menace et l’ONU va envoyer les casques bleus. En faisant recours à Moscou, Lumumba venait de signer son arrêt de mort. Il sera alors traité de communiste et accusé de trahison par le Président Kasavubu qui le révoque de ses fonctions de Premier ministre. Lumumba a son tour, révoque le Président de la République. Le pays sombre alors dans un chaos tel que le colonel Mobutu se verra dans l’obligation de neutraliser ces deux personnages. Mobutu forme alors un gouvernement de transition. Lumumba est encerclé par les casques bleus et est empêché de sortir de chez lui.

Lumumba tente de s’échapper mais va très vite être rattrapé et transféré au Katanga sécessionniste. C’est le 17 janvier 1961 vers 16 heures que l’avion le transportant avec deux de ses collaborateurs Joseph Mpolo et Maurice Okito, atterrit à l’aéroport de la Luano à Elisabethville en provenance de Moanda. Les trois prisonniers sont conduits dans un endroit désert où ils seront exécutés vers 23 heures. Leurs corps sont enterrés, ensuite déterrés le 21 janvier, découpés en petits morceaux avant d’être jetés dans un fût rempli d’acide sulfurique. C’est la fin de Lumumba.

Mobutu, devenu général et chef d’état major de l’armée congolaise, avec l’aide des Américains, arrive à mater la sécession kantagaise et la rébellion menée par les partisans de Lumumba. A partir de ce moment, il devient le maître absolu du Congo. Après qu’il soit devenu Président de la République, Mobutu élève Lumumba au rang prestigieux de héros national en 1966.

Aujourd’hui, 59 ans après sa mort, Lumumba continue d’être une source d’inspiration pour le panafricanisme. Les sympathisants de Lumumba auréolent sa lutte pour l’indépendance du Congo, pendant que les détracteurs condamnent sa « précipitation », étant donné que les Congolais qui venaient d’hériter des institutions politiques et économiques en 1960, n’étaient pas suffisamment prêts à gérer le pays.

Aux côtés des personnalités tels que Mandela, Sankara et N’Krumah, Lumumba est une figure emblématique de la souveraineté africaine par son nationalisme intransigeant. Même si ce sont ses idées et convictions politiques qui lui ont coûté la vie, elles demeurent néanmoins recommandables à tout Africain soucieux de voir émerger le continent.

Un commentaire sur « Lumumba l’anticolonialiste ! »

Laisser un commentaire